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Entretien avec Catherine Malaval, présidente et fondatrice de Neotopics

Et après ?

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17/04/2023

Catherine Malaval, docteure en histoire de l’EHESS (Centre de recherches historiques), est présidente et fondatrice de Neotopics, une agence-conseil en stratégie corporate et maison d’écriture. Elle revient sur le séminaire dédié à l’histoire des organisations au XXe siècle et sur ses rencontres avec de « grands professeurs ». 


Pourquoi avez-vous choisi l’EHESS ?

Parce que Michelle Perrot, alors professeur d’histoire contemporaine à Paris VII, en a eu l’idée pour moi. A l’époque, je m’intéressais aux fonctions sociales et politiques de la presse. En maîtrise, j’avais travaillé sur la bienfaisance dans le Journal de Paris. Au cours de premières missions pour des entreprises, j’avais découvert l’existence ancienne de journaux patronaux. Je souhaitais en faire mon sujet de DEA. Je dois vous préciser que je venais d’être diplômée de l’Ecole supérieure de journalisme de Paris et licenciée en sociologie. Non sans mal, j’avais composé cette formation à la carte, mais pleinement adaptée à ce que je souhaitais faire.

Pour m’accompagner sur ce sujet, mon directeur de maîtrise, le professeur émérite Jean Nicolas, m’avait conseillé de solliciter Michelle Perrot, spécialiste notamment de l’histoire du monde ouvrier. Elle a proposé la co-direction de mon DEA à Patrick Fridenson, professeur et directeur d’études de l’EHESS. Sur ses conseils, je m’engageais donc dans l’écriture d’une monographie de la presse d’entreprise de Renault. L’approche était si novatrice que mon DEA fut publié. J’ai poursuivi, sous sa direction, une thèse sur la presse d’entreprise au XXe siècle.  


Qu'avez-vous étudié à l'EHESS ?

Le séminaire de Patrick Fridenson était dédié à l’histoire des organisations au XXe siècle. C’était un séminaire à son image : exigeant, érudit et très éclectique dans ses objets d’étude et ses invitations. Il dirigeait la revue d'histoire Le Mouvement social. En 1992, il créait la revue Entreprises et Histoire. Ce séminaire était ouvert à des historiens, des sociologues, des chercheurs en gestion, des anthropologues et des économistes ; parmi nous aussi, des doctorants du professeur François Caron, qui avait créé un DEA d’histoire des techniques commun à la Sorbonne et à l’EHESS. Il me fit l’honneur également d’être dans mon jury de thèse. 

J’ai beaucoup appris aussi auprès d’André Grelon et d’Yves Cohen, successivement à ses côtés comme maîtres de conférence. Sociologue, André Grelon étudiait alors le monde des ingénieurs et leurs écoles. Yves Cohen partageait régulièrement ses recherches sur l’histoire du commandement. Louis Bergeron, grand historien du capitalisme et de l'industrie en France et directeur d’études de l’EHESS, a publié ma thèse de doctorat dans la collection qu’il dirigeait chez Belin.


Que vous a apporté l’EHESS dans votre vie professionnelle ?

Tout d’abord une méthode de recherche, « la recherche par la recherche » qui fait toute l’originalité de l’EHESS mais aussi une approche globale des sciences sociales. Ces professeurs nous apprenaient à toujours aller plus loin, à construire nos propres outils, à identifier de nouveaux corpus de savoirs et, sans cesse, à confronter nos analyses avec d’autres disciplines. Un sujet de thèse n’est pas un univers clos, il est à la conjonction de dizaines d’autres. Chaque rendez-vous se concluait toujours par de nouveaux fonds à explorer, des livres à lire et d’autres personnes à interroger comme autant de clés possibles pour mieux comprendre notre sujet.


Pourriez-vous nous raconter votre métier ?

Après une douzaine d’années comme historienne d’entreprise —j’ai écrit ou dirigé une quarantaine de monographies d’entreprise, j’ai rejoint la direction générale de groupes de communication pour y développer les activités éditoriales et les stratégies de discours corporate, à une époque où émergeaient les notions de culture et d’identité d’entreprise. 

En 2014, j’ai créé Neotopics. Nous accompagnons nos clients dans le positionnement et l’écriture de leur récit stratégique. La recherche et le récit historiques en font partie. Mais notre champ d’action est majoritairement contemporain. Aujourd’hui, tout ce qu’on rassemble sous le vocable de « transitions » est par essence éminemment historique et sociétal. Comment définir une raison d’être ? Comment défendre un projet innovant ? Comment expliquer une phase de transformation ? Ce qui fait notre différence relève plutôt de la méthode et d’une culture de la preuve. Nos clients viennent chercher une façon de questionner les sujets, de définir une stratégie éditoriale et de raconter des histoires. La formation d’historien invite à argumenter et peser chaque mot.  


Auriez-vous rencontré une personne inspirante pour vous lors de votre parcours à l’EHESS ?

Je fais partie de cette génération d’historiennes qui a croisé le chemin de grands professeurs à un moment crucial de leur vie intellectuelle et professionnelle, alors que la business history se développait en France. Je pense notamment à Anne-Laure Carré, Marie-Emmanuelle Chessel, Delphine Gardey, Florence Hachez, Odile Join-Lambert, Laure Quennouëlle-Corre, Anne-Catherine Robert-Hauglustaine. En histoire des techniques, de l’innovation et des entreprises, dans de nombreux secteurs d’activité, nos directeurs de thèse avaient ouvert des voies ; ils nous invitaient à en ouvrir de nouvelles avec beaucoup de curiosité, de liberté et d’exigence. Tout cela, plus qu’une personne en particulier, était inspirant. Trente ans plus tard, toutes, quelles que soient nos activités, nous continuons de chercher, de transmettre et de questionner le temps présent. 


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