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Raconte-moi ta thèse #18 | Exploitation du travail : système économique, droit pénal et éthique de la production, par Maria Giovanna Brancati

Raconte-moi ta thèse

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16/05/2023

Maria Giovanna Brancati est docteure au LIER-FYT (EHESS). Elle s'intéresse à la fonction du droit pénal en tant qu'instrument de protection des droits de l'Homme et étudie le concept de responsabilité individuelle et collective comme base de l'action punitive. Sa thèse, co-dirigée par Paolo Napoli et David Brunelli, s'intitule « Exploitation du travail : système économique, droit pénal et éthique de la production ».

J'ai abordé ce thème de recherche à partir de l'observation : j'ai observé les interminables plantations d'agrumes de la basse Calabre, au sud de l'Italie, peuplées  d'ouvriers qui rentrent le soir dans leurs cabanes ; j'ai observé les jeunes femmes de l'est du pays, arrivées dans notre Europe pour accompagner leurs parents âgés qui ne sont pas les leurs ; j'ai observé les dossards criards sillonnant les rues du centre-ville, avec un repas chaud dans leur malle.

Et puis je me suis observée : je me suis vue, avec mes lunettes rondes et le désir de comprendre, de savoir, de connaître. Ce désir qui m'a fait parcourir l'Europe et découvrir que ce que je voyais en Italie était aussi ailleurs. Et moi, avec mes idéaux, ma passion du droit et des droits de tous les hommes et de toutes les femmes, je ne pouvais pas me contenter d'observer.



C'est ainsi qu'est née l'idée d'étudier l'exploitation des travailleurs, leurs besoins et la manière dont ces besoins sont instrumentalisés à des fins économiques.

Mais l'aventure ne s'arrête pas là ! En effet, notre monde est un monde multipersonnel, fait de frontières visibles et de frontières invisibles. Je me suis donc retrouvée à étudier les routes migratoires qui poussent les travailleurs du Sud à se déplacer et à changer leur vie pour toujours ; je leur ai parlé, je les ai écoutés, j'ai essayé de m'identifier à eux et je m'en suis retrouvée plus proche que jamais.



J'ai ensuite vécu la pandémie en tant qu'étudiante en doctorat. Je fais partie de ceux, nombreux, qui ont vu soudain l'inconfort de la recherche s'accroître démesurément, entre l'impossibilité de rentrer « chez soi » et la difficulté de poursuivre ses recherches en vase clos. J'ai encore essayé de trouver un sens à mes études dans un monde post-pandémique encore plus marqué par l'inégalité et l'exploitation, en me demandant si ce n'était pas désormais le seul mode de production économique.

En fin de compte, cependant, ce voyage m'a mené là où je l'espérais. Il est vrai que le mien était un travail scientifique dans lequel j'analysais la législation de trois pays européens contre l'exploitation du travail. Mais c'est aussi un travail personnel, dans lequel j'ai raconté mon histoire, celle d'une chercheuse précaire, avec celle de beaucoup d'autres : et la morale de cette histoire est qu'il existe une dignité de la personne qui travaille, qui ne peut jamais être bafouée.


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