Maëlle Lepitre a reçu le Prix Silten 2022 pour son mémoire sur le mémorial juif inauguré dans l’ancien camp de concentration de Buchenwald
Maëlle Lepitre, ancienne étudiante du Master franco-allemand l’EHESS a reçu le Prix Silten 2022 pour son mémoire sur le mémorial juif inauguré dans l’ancien camp de concentration de Buchenwald.
Comment résumeriez-vous votre mémoire en quelques lignes ?
Mon mémoire de master traitait du mémorial juif inauguré dans l’ancien camp de concentration de Buchenwald (à l’est de l’Allemagne actuelle) en novembre 1993. Je me suis attachée dans mon travail à retracer l’histoire de ce mémorial, de sa genèse à son inauguration, en la replaçant dans le contexte plus général des recompositions mémorielles induites par la réunification allemande – sans rentrer plus dans les détails, l’accent mémoriel posé par les autorités de la RDA sur les résistants déportés à Buchenwald avait conduit jusqu’à la fin des années 1980 à une marginalisation des autres groupes de victimes, en particulier des prisonniers juifs. Dans une perspective socio-historique, j’ai porté attention aux acteurs impliqués, aux relations parfois conflictuelles les unissant (notamment à travers l’études des discussions ayant présidé au choix de l’emplacement et de la forme) et à la réception de ce site commémoratif (je me suis notamment demandé si le mémorial juif de Buchenwald, en tant que l’un des premiers lieux de mémoire dédié aux déportés juifs construit en ex-Allemagne de l’Est, avait défini un canon mémoriel).
Mémorial juif de Buchenwald, septembre 2020. Photo personnelle publiée avec l’aimable autorisation du mémorial de Buchenwald.
Pourquoi avoir choisi ce sujet de mémoire ?
Je suis allée pour la première fois à Buchenwald en juillet 2018 dans le cadre d’un chantier bénévole organisé par l’association ASF (Aktion Sühnezeichen/Friedensdienste ; en anglais : Action Reconciliation/ Service For Peace). Au cours de cette expérience, j’ai eu l’occasion de découvrir l’histoire complexe du lieu, le travail du mémorial ainsi que l’œuvre d’Imre Kertész, survivant juif d’origine hongroise de la Shoah. C’est cette double « rencontre » avec un auteur-rescapé et avec un lieu de mémoire qui est à l’origine de mon intérêt pour la thématique des prisonniers juifs de Buchenwald. Si mon projet initial de recherche se proposait de donner un aperçu de l’histoire des persécutions antijuives à Buchenwald et du traitement mémoriel de ce phénomène, j’ai rapidement réduit mon sujet à la question mémorielle.
Comment avez-vous effectué vos recherches ?
Ayant conduit mes recherches entre septembre 2019 et juin 2021, mon travail a été fortement impacté par la crise sanitaire du Covid 2019. Même si je n’ai pas pu consulter tous les fonds d’archives que j’aurais aimé mobiliser, j’ai eu la chance de pouvoir me rendre à Buchenwald en septembre 2020, séjour qui a été particulièrement fructueux grâce à l’aide apportée par les employés du mémorial.
Méthodologiquement parlant, j’ai adopté une approche pluridisciplinaire s’inspirant de trois courants de recherche en histoire et en sociologie : la microhistoire (démarche de circonscrire son objet à un cas singulier), la sociologie de la mobilisation et des problèmes publics (via l’emprunt de concepts tels que « claim maker » ou « lutte définitionnelle ») et l’analyse critique de discours (pour étudier la réception du mémorial).
Quelle suite donner à votre mémoire ?
Après avoir soutenu mon mémoire, j’ai eu envie d’élargir la focale de mon travail pour prendre en compte l’ensemble des changements intervenus à Buchenwald au cours des années 1990. Je prépare, depuis octobre 2021 et sous la direction de Jens-Christian Wagner, une thèse à l’université de Iéna sur la réorientation du mémorial entre 1989 et 1999. Mon but est de reconstituer ce processus de recomposition mémorielle en me concentrant sur les acteurs impliqués, sur leurs discours et pratiques ainsi que sur les transformations du mémorial (en tant qu’institution et en tant que lieu).
Racontez-moi votre parcours
Après un baccalauréat scientifique, j’ai commencé en 2016 des études d’histoire à Paris en m’inscrivant au CPES (Cycle Pluridisciplinaire aux Etudes Supérieures). Cela a été pour moi l’occasion de découvrir et de pratiquer l’interdisciplinarité, puisque j’ai pu suivre des cours de sociologie. Après l’obtention de mon diplôme de licence en 2019, j’ai intégré le master de recherche franco-allemand de l’EHESS et l’université de Heidelberg. J’ai ainsi profité d’un double encadrement (celui de Cord Arendes, spécialiste de Public History et celui de Julien Blanc, spécialiste de l’histoire et de la mémoire de la Résistance). J’ai soutenu mon mémoire en juin 2021 et ai appris en mai 2022 que le jury du Prix Silten, chargé de récompenser les travaux de « jeunes » ayant contribué à la mémoire de la Shoah et du nazisme, a reconnu la qualité de mon travail en lui accordant une « öffentliche Anerkennung ».
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