Entretien avec Maryna Shcherbyna Chebat, chargée de communication opérationnelle pour Action contre la faim
Diplômée du Master Territoires, espaces, sociétés à l'EHESS, Maryna Shcherbyna Chebat est aujourd'hui chargée de communication opérationnelle pour Action contre la faim.
Pourquoi avez-vous choisi l’EHESS ?
En 2012, je travaillais sur un sujet de recherche qui me tenait beaucoup à cœur. Je me suis renseignée comment pouvoir poursuivre mon travail, tout en bénéficiant d’une base d’enseignement solide et flexible. Mon sujet a été sélectionné par le jury du master international Erasmus Mundus TEMA, qui bénéficiait d’un soutien de la Commission européenne. Ce projet rassemblait des étudiants et des chercheurs avec des profils très variés : urbanistes, architectes, historiens, sociologues et anthropologues. Historienne de formation, je ne voulais pas que mon projet de recherche soit défini par une méthodologie bien figée. Je souhaitais ouvrir les horizons et sortir de ma zone de confort. L’EHESS est un des uniques endroits où on peut bénéficier de cette liberté, l’enjeu majeur reste de savoir bien la gérer. J’ai ainsi poursuivi mes études, deux ans de Master, à l’EHESS et à l’Université partenaire de Budapest. Les deux écoles se complétaient : l’Université de Budapest qui gardait un format disons ‘classique’ d’études avec des cours et des examens, et l’EHESS avec ses groupes de travail, l’autonomie et les différents centres de recherche où je pouvais suivre n’importe quel cours.
Qu'avez-vous étudié à l'EHESS ?
Le Master TEMA est un consortium de quatre institutions européennes. A l’EHESS il était intégré au Master - Territoires, espaces, sociétés, dont je faisais partie. La flexibilité de l’EHESS permet de suivre tous les cours en lien avec le projet de recherche, donc naturellement je me suis tournée vers le cursus du CERCEC, mais aussi les cours sur la méthodologie (construire une recherche en TES). Entre autres, j’ai suivi les cours passionnants sur les politiques de développement territorial en Europe centrale et orientale, les échos d’une violence politique : les sociétés européennes face au retour de déplacements forcés, ou encore les épreuves de la mémoire collective. J’ai travaillé sur un sujet qui englobait à la fois toutes ces différentes problématiques et nécessitait une approche « sur mesure ».
Pour ne rien cacher, les débuts à l’EHESS étaient très difficiles de point de vue linguistique mais aussi en termes d’organisation quand on sort d’un milieu universitaire très figé et conventionnel, où la non-adhésion à une idée est considérée comme un acte de révolte. Prendre la parole ou bien questionner un sujet n’est pas très commun dans l’enseignement classique où les étudiants sont davantage encouragés à prendre les notes et les apprendre par cœur. Par contre, quand on entre à l’EHESS, il faut prendre du temps pour faire émerger une problématique pertinente et de savoir la défendre.
Que vous a apporté l’EHESS dans votre vie professionnelle ?
De l’autonomie et de la vision.
J’ai commencé à ressentir la valeur de mon cursus à l’EHESS lors de mes premières expériences professionnelles. J’ai intégré une organisation non-gouvernementales Human Rights Watch où la recherche et la documentation sont au cœur de leur mandat. Les cours, les débats, les conférences à l’EHESS et mon travail de terrain ont resurgi d’un seul éclat et m’ont permis d’épauler le service presse et les chercheurs. Pour moi il ne suffisait pas seulement de répéter les chiffres d’un rapport et d’une étude et transmettre un communiqué, mais de pouvoir resurgir la problématique, échanger avec les enquêteurs et les journalistes, construire les sujets ensemble. Pour moi c’était important de sortir de la théorie et d’entrer dans le vif du sujet. En quelque sorte faire un pont entre le monde de la recherche/académique et la société.
Pourriez-vous nous raconter votre métier ?
J’ai toujours travaillé dans les organisations non-gouvernementales ou des associations et je suis aujourd’hui attachée de presse pour Action Contre la Faim. Il est parfois difficile de résumer mon métier en quelques mots car il englobe une partie importante de la recherche et de la communication. Par le passé, j’étais amenée à travailler avec les journalistes et les reporters pour assurer l’intérêt médiatique de nos rapports et faire émerger les sujets majeurs dans les zones de conflits où on travaillait. Par ailleurs, j’ai eu l’occasion de rencontrer et de travailler avec des anciens élèves de l’EHESS, devenus journalistes (par exemple Laurent Larcher, La Croix) ce qui me fait énormément plaisir. Aujourd’hui j’assure la communication de toutes les missions d’ACF en Asie et au Moyen-Orient. Ma mission est d’alerter sur les situations humanitaires, la santé des populations, leurs besoins immédiats et décrypter les contextes souvent très complexes pour les travailleurs humanitaires. On peut être amené à produire des reportages photographiques, aller à la rencontre des personnes que nous aidons, ou documenter le quotidien des communautés. A l’EHESS il y avait un cours sur l’observation participante que je conseille vivement, ainsi que "mener son enquête de terrain".
Auriez-vous rencontré une personne inspirante pour vous lors de votre parcours à l’EHESS ?
Ma tutrice Juliette Cadiot était la première personne de l’EHESS qui a complètement changé ma vision et ma manière de penser dans la recherche. Même si elle travaille sur un autre sujet et période, je suivis régulièrement son travail. Alain Blum a tout simplement confirmé ma capacité d’y arriver grâce à son cours passionnant et son côté militant. Et, bien évidemment, Marie-Vic Ouzouf-Marignier, qui était à l’origine du Master TEMA et assurait son bon déroulement. Tous les trois m’ont beaucoup soutenu lors de lancement de mon association Les Nouveaux Dissidents en 2017 et je suis sûre que nos chemins se croiseront à nouveau.
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