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Coline Desportes, lauréate du Grand Prix Marcel Wormser 2023 pour son travail sur la traçabilité des biens culturels

Prix et récompenses

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17/01/2024

Coline Desportes, doctorante de l'EHESS au Centre de recherches sur les arts et le langage (Cral) / Centre d'histoire et de théorie des arts (Cehta), a reçu le Grand Prix Marcel Wormser qui récompense chaque année des travaux de recherche portant sur la traçabilité des biens culturels. Son article « Négociations et "influence" sur le terrain des arts : un échange d’objets entre la France et le Sénégal dans les années 1960 », publié au printemps 2022 dans la revue Politique Africaine,  a été salué par le jury pour l’étude des contextes historique et diplomatique, qui démontrent la part du politique dans les débats ayant trait à la provenance des biens culturels. 

À partir de documents d’archives inédits, cet article retrace l’histoire, les conditions et les modalités d’un échange de tapisseries françaises contre des objets d’Afrique, opéré en 1966-1967 par les gouvernements français et sénégalais. Dans ce travail, Coline Desportes analyse le rôle attribué aux objets par les deux pays, leurs valeurs symboliques et les négociations philosophiques et politiques qu’impliquait un tel échange, à l’heure des indépendances africaines, de la Françafrique et de la guerre froide. Il s’agit notamment de comprendre le choix du médium et de la technique de la tapisserie à l’aune de l’agenda politique et culturel du premier président sénégalais, Léopold Sédar Senghor (1906-2001). Cette attention à la technique de la tapisserie est un écho à son travail de thèse.

Entretien avec Coline Desportes


Quel est votre parcours ?

Je suis diplômée de l’École du Louvre, spécialité histoire des arts de l’Afrique et de l’université Paris 1 - Panthéon Sorbonne. J’ai rejoint l’EHESS en 2018 pour une année préparatoire au doctorat sous la direction d’Anne Lafont (Cral). Depuis 2019 je suis doctorante à l’EHESS sous sa direction et chargée d’études et de recherche à l’Institut national d’histoire de l’art. Ma thèse porte sur l'histoire de la tapisserie au Sénégal, sous la présidence de L. S. Senghor (1960-1980).


Qu’est-ce qui vous a amené à vous intéresser à un tel sujet ? Pourquoi avoir fait le choix du contexte 1966-1967 et de ce terrain de recherche en particulier ?

Depuis 2015, je m’intéresse à la politique culturelle de L. S. Senghor, le premier président du Sénégal indépendant. Je me suis d’abord penchée sur l’histoire des expositions organisées par le Sénégal en France et à Dakar dans les années 1970, ce qui m’a amenée à consulter un grand nombre de documents d’archives, conservés dans des fonds variés. Au cours de consultations en 2017, je suis tombée par hasard sur des documents relatifs à cet échange d’objets qui m’a immédiatement interpellée, notamment parce que le débat sur les restitutions commençait à émerger en France. Le débat portait et porte surtout sur les translocations d’objets d’Afrique pendant la période coloniale. Or, cet échange d’objets entrepris dans la première décennie de l’indépendance me semblait témoigner à la fois de la permanence de la relation de domination que la France souhaitait assoir, mais aussi des tentatives sénégalaises pour renverser les termes de cette relation, tout en maintenant des liens diplomatiques forts entre les deux pays. Dans les années 1960 et 1970, le gouvernement de Senghor met en place une politique sophistiquée de soft-power qui a pu passer inaperçue précédemment. Reconstituer et analyser cet échange me permettait d’explorer l’agentivité des Sénégalais, mais aussi des agents français qui collaborent avec les deux pays et qui agissent parfois selon des intérêts complexes.


Comment la recherche peut-elle être utile pour connaître la provenance des biens culturels ? Quelles ont été les sources utilisées ?

La recherche de provenance des biens culturels cherche à reconstituer leur trajectoire. Avec le travail récompensé par ce prix, j’ai cherché à aller au-delà de la documentation de ces circulations, pour mettre en lumière le contexte politique, idéologique, diplomatique, et finalement inscrire cet échange dans un travail historien plus global. J’ai cherché à comprendre pourquoi et comment cet échange avait eu lieu. Je me suis appuyée essentiellement sur des archives, même si j’ai mené quelques entretiens à Dakar. Les documents que j’ai consultés sont conservés dans les archives françaises. Au Sénégal, ils n’ont pas été systématiquement versés aux archives nationales. Je travaille aujourd’hui, en parallèle de la thèse, avec mes collègues du groupe international Senghor (ENS, CNRS, Université Cheikh Anta Diop) à identifier les fonds et à cartographier toutes les archives relatives à l’ancien président du Sénégal afin de faciliter ce genre de recherche à l’avenir.





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