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Portraits des lauréat·es des bourses d'accomplissement 2020 du Fonds de dotation

Prix et récompenses

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30/06/2020

Cette année, le Fonds de dotation de l'EHESS octroyait huit bourses d'accomplissement de thèse :

Découvrez ci-dessous les résultats et les parcours et travaux des lauréat·es, à qui l'EHESS adresse ses plus vives félicitations.


Lauréat·es du concours des bourses d'accomplissement de l'Institut pour la recherche de la Caisse des dépôts et du Fonds de dotation de l'EHESS :

Marcos Azevedo – « Habiter la souffrance psychique : l'accompagnement à domicile en santé mentale »

Je m'intéresse depuis une dizaine d'années aux questions de psychiatrie et de santé mentale. Diplômé en psychologie, j'ai travaillé dans des services hospitaliers et de soins ambulatoires à Rio de Janeiro avant de rejoindre le master Santé, médecine et questions sociales à l'EHESS (2014-2016). J'ai ensuite été admis au doctorat au sein de cette même formation sous la direction conjointe d'Isabelle Ville et de Nicolas Henckes. En tant que clinicien, j'ai été conduit à effectuer régulièrement des visites à domicile auprès de personnes atteintes de troubles psychiques sévères, thématique autour de laquelle je développe mes recherches en sociologie. J'avais déjà mené, au cours de mon master, une étude sur le travail d'intermédiation locative d'associations péri-hospitalières ou du champ médico-social auprès de patient·es en psychiatrie. Ma thèse prolonge cette investigation et analyse les politiques publiques en la matière, les modes de prise en charge et les pratiques professionnelles qui prennent place au sein de différentes structures accompagnant les personnes handicapées psychiques et, enfin, l'expérience d'habitation de celles-ci. Mes travaux de thèse étudient ainsi la façon dont la cartographie post-asilaire française se dessine aujourd'hui autour du domicile, les activités socio-éducatives et de soin que s'y réalisent et, enfin, les manières d'habiter avec un handicap psychique et un accompagnement qui y prennent forme.

 

Marine Duros – « Valoriser l'immobilier. Genèse et institutionnalisation du secteur de l'immobilier financiarisé en France, des années 1980 à nos jours »

Après avoir intégré le département de sciences sociales de l’ENS de Cachan, j’ai effectué le master Politiques publiques et développement de l’École d’Économie de Paris, où j’ai rédigé un mémoire portant sur les effets du prolongement de la ligne 13 du métro à Asnières-sur-Seine et Gennevilliers sur les prix de l’immobilier et l’évolution de la composition socio-économique de ces quartiers. J’ai ensuite enseigné le français pendant un an dans un lycée à Rome avant de commencer une thèse en sociologie à l’EHESS, sous la direction de Florence Weber. Ma recherche porte sur la financiarisation du secteur de l’immobilier en France de la fin des années 1980 à nos jours, période caractérisée par l’accroissement de la part de l’immobilier détenue par des gestionnaires d’actifs (fonds d’investissement dédiés à des institutionnels ou des particuliers, foncières cotées, etc.) dans les grandes métropoles françaises. Cette thèse, qui mêle analyse d’archives, entretiens et un an d’ethnographie dans ce monde professionnel, étudie la manière dont s’est constitué ce nouveau champ, à l’intersection de la finance et de l’immobilier, et l’architecture institutionnelle sur laquelle repose la construction de la valeur dans ce secteur. Dans l’analyse, une attention particulière est donnée aux périodes de « crises » qui ont historiquement marqué le secteur (1991, 2008 et période actuelle) et à la manière dont celles-ci contribuent à reconfigurer les rapports entre acteurs du champ.

 

Camille Rivière – « Le gouvernement de la biodiversité, le cas de Natura 2000 en France »

J’ai intégré l’EHESS en master 2 de sociologie générale après une formation en sciences politiques et un passage en école de commerce. Ma thèse de doctorat, réalisée au Cems sous la direction d’Ève Chiapello et financée par le Labex Tepsis porte sur la principale politique européenne de protection de la biodiversité, le réseau « Natura 2000 ». En mêlant une approche socio-historique et une étude de cas ethnographique dans un parc naturel régional dans le sud-est de la France, je cherche à retracer les transformations des politiques publiques environnementales depuis le début des années 1990.

Attentive aux acteurs, aux instruments et outils de mise en œuvre mais aussi aux circuits de financement qui font exister cette politique, je questionne la forme particulière de gouvernement de l’environnement portée par ce dispositif. Celui-ci rencontre de nombreux obstacles sur son passage : créer à l’échelle européenne des territoires de biodiversité, définir scientifiquement la biodiversité à protéger, instituer des outils incitatifs pour des bénéficiaires difficiles à mobiliser, s’inscrire dans des temporalités et des discours financiers. Autant d’éléments matériels qui façonnent nos rapports collectifs à la nature. 



Lauréat·es du concours des bourses d'accomplissement du 8/9 des Hautes Études et du Fonds de dotation de l'EHESS (Thématique « Droit et société ») :

Leila Drif – « La protection des réfugiés comme acte de dépossession : perspectives anthropologiques sur un espace-refuge syrien à Beyrouth »

C’est en 2011 que se tisse mon premier contact avec le Liban. J’ai la chance d’y séjourner six mois dans le cadre d’un master d’Histoire à Paris Panthéon-Sorbonne. Alors que je mène mes recherches documentaires sur l’installation, en 1919, des réfugiés arméniens à Beyrouth, je suis témoin de l’arrivée, dans cette ville, des premiers réfugiés de Syrie. La continuité avec mes futures recherches est toute trouvée : je rejoins alors l’EHESS au sein de la formation Étude comparative du développement dans le but de me former à la pratique ethnographique, tout en finissant une licence d’arabe à l’Inalco. Mon mémoire de master, réalisé sous la direction de Michel Agier, porte sur le rôle des acteurs humanitaires dans « l’inclusion différentielle » des populations étrangères des quartiers précaires de Beyrouth. Grâce à un contrat doctoral du Labex Tepsis, je poursuis ce questionnement dans ma thèse d’anthropologie, préparée à l’Iris sous la codirection de Blandine Destremau et de Michel Agier. Le cadre monographique de mon enquête dans un quartier d’installation de réfugiés syriens, conjugué à de minis-enquêtes multi-situées au sein du dispositif humanitaire, me conduit à m’intéresser à la manière dont les rapports sociaux recréent localement des formes alternatives de protection pour les personnes réfugiées, dans un contexte national où le droit d’asile n’est pas reconnu.

 

Maxime Gelly-Perbellini – « Construire la figure de la sorcière en France à la fin du Moyen-Âge. Justice, représentations et circulation des savoirs et des imaginaires (XIVe-XVe siècles) »

Après des études à Nancy et l’obtention de deux licences, en Histoire et en histoire de l’art, à l’université de Lorraine, j’ai intégré la formation Histoire et Civilisations de l’EHESS pour mon master, sous la codirection de Marie Anne Polo de Beaulieu et de Jérôme Baschet. L’étude que j’ai alors menée sur la tératologie et le merveilleux médiéval m’a incité à poursuivre mes réflexions, dans le cadre de mon doctorat, sur les systèmes de construction et de circulation des imaginaires à l’œuvre dans la répression de la sorcellerie dans le royaume de France à la fin du Moyen Âge (XIVe-XVe siècles). La thèse que je mène depuis 2014 sous la codirection de Marie Anne Polo de Beaulieu à l’EHESS au sein du groupe d’Anthropologie historique du long Moyen Âge (Ahloma, CRH) ainsi que d’Alain Dierkens à l’Université libre de Bruxelles, se propose ainsi d’interroger la construction du crime de sorcellerie et de questionner les mécanismes, en particulier misogynes, de sa féminisation. Mes recherches, s’inscrivant notamment dans le champ des Witchcraft Studies, mobilisent une documentation inédite, en particulier judiciaire, et visent, selon une approche interdisciplinaire, à fournir de nouveaux jalons à la compréhension de la genèse médiévale de la chasse aux sorcières. Depuis 2016, j’enseigne également l’histoire médiévale à l’université de Reims Champagne-Ardenne, d’abord en tant que chargé de cours puis en tant qu’attaché temporaire d’enseignement et de recherche rattaché au Centre d’études et de recherche en histoire culturelle (Cerhic). Par ailleurs, afin d’enrichir et de diffuser mes recherches, j’aurai la chance d’être chercheur invité à l’université de Lausanne en septembre 2020.



Lauréate du concours des bourses d'accomplissement du 8/9 des Hautes Études et du Fonds de dotation de l'EHESS (Thématique « Intelligence artificielle ») :

Ségolène Mathieu – « Circulation des imaginaires dans le développement de l'intelligence artificielle : dialogue entre sciences et fictions, réalités et fantasmes »

En 2017, cinq ans après un master à Lyon-II et diverses expériences professionnelles, j’ai réintégré le cursus universitaire grâce à une Année Préparatoire au Doctorat au campus EHESS-Marseille / Centre Norbert-Elias. En 2018, j’ai commencé mon doctorat avec un projet intitulé « Circulation des imaginaires dans le développement de l’intelligence artificielle : dialogue entre sciences et fictions, réalités et fantasmes », sous la direction de Georges Guille-Escuret (CNRS/CNE) et de Jean-Gabriel Ganascia (CNRS/LIP6) au campus EHESS/Marseille (CNE). Dans une optique interdisciplinaire, mes recherches abordent la question de l’intelligence artificielle dans une perspective anthropo-historique en questionnant épistémologiquement son émergence en tant que discipline. Cette approche m'a permis de mettre à jour les liens entre l'intelligence artificielle et la littérature de science-fiction et ainsi d’interroger les liens et les influences qu’entretiennent depuis les années 1940-1950 les scientifiques et les auteurs de science-fiction. Mon travail de thèse s’appuie sur une méthodologie interdisciplinaire en sciences humaines et sociales mais également sur l’utilisation d’outils numériques empruntés à l’informatique, ce qui inscrit également ce travail dans les humanités numériques. Je fais partie depuis 2019 du PRI Intelligence artificielle et sciences sociales de l’EHESS.



Lauréat du concours des bourses d'accomplissement RBC et du Fonds de dotation de l'EHESS (Thématique: « Frontière ») :

Emmanuel Falguières – « Construire l'espace, faire communauté dans les Grandes Plaines aux États-Unis. Une histoire spatiale et sociale des communautés rurales (1870-1930) »

Initialement formé aux études cinématographiques, j’ai travaillé pendant plusieurs années dans le cinéma documentaire et expérimental. C’est ainsi que je traverse les Grandes Plaines des États-Unis et que pour la première fois me frappe cet espace liminaire du centre du continent. De cette rencontre naît mon sujet de doctorat mené à l’EHESS au sein du laboratoire Mondes Américains et du Centre d’études nord-américaines sous la codirection de Romain Huret et Nicolas Barreyre.

De l’appropriation coloniale des terres à la construction d’un sens des lieux par les populations rurales, ma thèse s’attache à l’étude des cinquante premières années de la colonisation de cette « Frontière » qu’était, à la fin du XIXe siècle, les Grandes Plaines pour les États-Unis. Entre 1880 et 1930, des populations migrantes non-Amérindiennes s’installent durablement sur les plaines et construisent un nouvel espace rural qui deviendra au cours du XXe siècle un « cœur » de la nation. Dans ces vastes espaces, l’appropriation de la terre se double d’une production de la localité. En s’intéressant au rôle de l’État, des institutions communautaires, comme l’école, ainsi qu’aux productions culturelles, mon travail cherche à déplier les rapports sociaux de l’espace dans cette ruralité agricole. Ces liens spatialisés mènent à s’interroger sur les constructions territoriales qui permettent l’enracinement de certaines populations dans le paysage.

Une fois cet enracinement amorcé, une seconde appropriation des terres peut alors se jouer pour la seconde génération, née sur les plaines et fille des « pionniers. » Moins centré sur l’acquisition d’un patrimoine foncier, ce second temps de la colonisation se construit autour de l’émergence de représentations réflexives des communautés sur leur territoire, notamment dans la production de cartes vernaculaires du local. Ces images sont à la fois représentations et agents de l’émergence au début du XXe siècle d’un sens d’appartenance des populations à leur lieu d’habitation qui de « frontière » se change en « campagne ».



Lauréate du concours des bourses d'accomplissement RBC et du Fonds de dotation de l'EHESS (Thématique : « L'eau ») :

Natalia Briceño Lagos – « Exploitation de l'eau marine, restructurations professionnelles et incertitudes : l'expérience de l'emploi ouvrier dans l'industrie exportatrice du saumon en Patagonie chilienne »

Après une licence en sociologie au Chili, j'ai travaillé pendant deux ans dans une ONG sur les problématiques socio-environnementales qui affectent les communautés côtières en Patagonie. Cette expérience de terrain m'a motivée à traverser l'océan et intégrer le master en sociologie de l’EHESS. Par la suite, et avec le soutien financier du gouvernement chilien, je me suis inscrite en doctorat de sociologie pour mener une thèse qui prolonge mon travail de mémoire. Sous la direction de Serge Paugam (CMH) et Kathya Araujo (IDEA-USACH), ma recherche vise à analyser et comprendre les effets de l’ouvriérisation d'une population d'origine rurale confrontée à l'arrivée de l'industrie d'élevage et d'exportation de saumon à l'île de Chiloé, en Patagonie chilienne. Le capitalisme néolibéral d'élevage du saumon n'est pas qu'un mode de production particulier et nouveau dans l'île de Chiloé, mais son installation a déterminé aussi des nouvelles formes sociales d'organisation des interactions y compris avec l'économie et la nature. Il est pertinent de retenir une information peu connue des Européens : le Chili est le deuxième exportateur mondial de saumon après la Norvège.

L'étude de cette condition ouvrière se situe dans un pays où le modèle de développement se fonde sur l'exploitation et l’exportation des ressources naturelles. L'industrie du saumon repose justement sur cette forme de production : la ressource indispensable pour mener des activités aquacoles est l’eau marine. Paradoxalement, le déclin de la qualité des eaux, produit par son exploitation industrielle et sa pollution à outrance, met en péril l'existence même de ce secteur, qui emploie aujourd'hui 71 000 personnes. Cette instabilité a un impact direct non seulement sur l'emploi mais aussi sur la construction de l'expérience vécue du travail ouvrier.

Aujourd'hui, je mène mon travail d'écriture de thèse en même temps que j'exerce des fonctions de chargée de mission au sein de l'association internationale Women in the Seafood Industry. Cet engagement me permet de conjuguer deux sujets qui me tiennent personnellement à cœur : l’égalité de genre et la gestion durable des océans. Grâce à mon travail de thèse, j'ai développé une expertise autour de l’industrie aquacole – dont sa force de travail est principalement féminine – qui m'a permis de contribuer largement à la mission de l'association : mettre en valeur la contribution des femmes à la pêche et l'aquaculture ainsi que favoriser une prise de conscience des inégalités de genre présentes dans ce secteur. 


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