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Entretien avec Gaspard Lion, Julie Ancian et Pierre Fressange, lauréat·e·s des prix de thèse 2019 de l'EHESS

Prix et récompenses

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17/06/2019

Suite à la remise des prix de thèse 2019 de l'EHESS le mercredi 5 juin 2019, les trois lauréat·e·s, Gaspard Lion, Julie Ancian et Pierre Fressange, nous présentent leurs parcours à l'École et l'état de leurs recherches.


Gaspard Lion, lauréat du prix de thèse pour son travail intitulé « Habiter en camping. Trajectoires de membres des classes populaires dans le logement non ordinaire », raconte son entrée dans le master « Territoires, Espaces, Sociétés » et les recherches qu'il y a menées :

"Après une licence en géographie et une licence en sciences politiques, j’ai réalisé un master à l’EHESS, au sein de la formation « Territoires, Espaces, Sociétés ». J’ai ensuite réalisé une thèse en sociologie, sous la direction d’Isabelle Backouche et d’Olivier Schwartz, à l’EHESS, au centre de recherches historiques (CRH), et à Paris Descartes, au centre de recherche sur les liens sociaux (CERLIS), sur le camping résidentiel, soit sur la situation de personnes qui résident en camping non pour les vacances, mais « à l’année », été comme hiver. La thèse a poursuivi un double objectif : contribuer à la connaissance du « mal-logement » en milieu périurbain/rural en analysant les trajectoires, expériences, styles de vie et rapports aux institutions sociales et politiques de ses habitant.e.s, et participer à la compréhension des processus de recomposition sociale et culturelle et de stratification internes aux classes populaires en tenant compte des lignes de clivage et des petites différences qui travaillent aujourd’hui l’espace des styles de vie des groupes dominés". 


Julie Ancian, récompensée d'un accessit pour sa thèse autour « Des grossesses catastrophiques. Une sociologie des logiques reproductives dans les mises en récit judiciaires et biographiques de néonaticide », témoigne de son arrivée dans la mention « Genre, Politique, Sexualité » :

"Après un diplôme de Sciences Po, j’ai travaillé pendant dix ans dans des ONG du milieu humanitaire comme chargée de plaidoyer sur les obstacles à l’accès aux soins que peuvent rencontrent des populations en situation de vulnérabilité. Puis j’ai voulu reprendre des études pour me former aux questions de genre et j’ai intégré le master « Genre, Politique, Sexualité » de l’École qui répondait à mes attentes d’interdisciplinarité et parce qu’on pouvait y suivre les séminaires de chercheur·e·s dont les travaux m’intéressaient déjà. C’est là que j’ai découvert le plaisir de la recherche et que j’ai décidé de poursuivre mes premières explorations dans ce domaine avec une thèse de sociologie. J’ai eu la chance d’obtenir un contrat doctoral, une codirection de thèse bienveillante et stimulante avec Simone Bateman et Marc Bessin, des laboratoires d’accueil (Cermes3 et Iris) qui encouragent la professionnalisation des jeunes chercheur·e·s... Bref, des conditions idéales dont on ne peut que souhaiter qu’elles soient le standard auquel tout.e doctorant·e ait droit. Ma thèse propose une analyse sociologique des cas de néonaticides, c’est-à-dire des homicides de nouveau-nés à la naissance qui sont généralement commis par des femmes faisant face à une grossesse qu’elles jugent catastrophique. Elle m’a conduite à analyser les parcours de vie de ces femmes, leurs trajectoires reproductives et contraceptives et les obstacles qu’elles ont rencontrés pour maîtriser leur fécondité. Aujourd’hui, je mène une recherche sur l’avortement médicamenteux pour l’université Édimbourg où j’enseigne également".


Enfin, Pierre Fressange, qui a reçu le prix du mémoire présenté en 2018 en vue du Diplôme de l'EHESS pour son travail sur « La continuité comme modèle. Familles et pouvoir municipal en pays lindois à l'époque moderne », décrit sa reprise d'études à l'École :

"J'ai dans un premier temps suivi des études de droit : un DEA en Droit public à la Faculté de droit de Paris, un autre en Histoire du droit dans le même établissement, et, enfin, une thèse d’État de doctorat en droit. Il y a quelques années, j'ai repris des études en histoire, en commençant par une licence à Paris 1. Mais plutôt que de continuer les études d’histoire par des cours magistraux et TD à Paris 1 Sorbonne, j’ai préféré le principe des séminaires où les enseignants-chercheurs font part de leurs travaux et où tout le monde peut échanger librement. Aussi parce que le mémoire de diplôme est plutôt du niveau de la thèse que du mémoire de Master. Cela correspondait mieux à l’approfondissement que je souhaitais donner à mon sujet.

La petite cité de Lalinde, dans le Périgord, mérite un détour anthropologique et historique. On y observe, en effet, un groupe de familles qui, du XVe au XVIIIe siècles se répartissent les charges consulaires et forment l’élite dirigeante. L’installation de ces familles dans une position de longue durée est sans doute le trait le plus marquant sinon le plus exceptionnel de cette cité. Le phénomène est connu  pour les grandes villes, notamment pour Nantes au XVIIe siècle grâce aux travaux de Guy Saupin, il l’est beaucoup moins pour les petites villes en milieu rural sur la très longue durée. 

Durer, voilà bien le maître mot pour ces familles. Leur objectif essentiel, l’enjeu majeur. Un enjeu couronné de succès, puisqu’avec le temps, elles réussissent parfaitement à verrouiller le pouvoir local en utilisant des stratégies matrimoniales et successorales sophistiquées.  

Pour arriver à toutes ces mises en évidence, plusieurs sources archivistiques étaient nécessaires et m’ont accompagné. Une source majeure – à l’origine même de ce mémoire –  qu’est le Registre des délibérations consulaires de 1511 à 1673, qui dormait bien sagement, bien emmailloté, au fond des services d’archives de la Dordogne. Une source seconde mais non moins importante, la charte de 1267, qui précise les droits et privilèges de la bastide royale de Lalinde, acte de naissance sur lequel la ville s’appuiera longtemps pour faire reconnaître sa spécificité. Enfin, sources plus classiques, les nombreux registres paroissiaux et minutes notariales des paroisses de la ville.

Je mentirai en disant que toutes ces années de recherches n’ont pas été pour moi un vrai bonheur. J’ose simplement espérer que la mise en exergue de cette petite élite locale autocentrée avec ce qu’elle apporte de voies problématiques nouvelles, saura contribuer - à son modeste niveau - au renouvellement de l’historiographie contemporaine sur le sujet."  

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