Retour aux actualités
Article suivant
Article précédent

Corentin Legras, un des lauréats des contrats doctoraux 2021 de l'EHESS

Et après ?

-

25/11/2021

En septembre 2021, l'École doctorale de l'EHESS a attribué 35 contrats doctoraux.

Parmi ces derniers, voici le portrait de Corentin Legras, dont le projet de thèse porte sur : « Des familles à l’épreuve de l’inceste : Trajectoires institutionnelles des mineurs auteurs de violences incestueuses et reconfigurations des liens familiaux ». Thèse en préparation depuis 2021 sous la direction d’Agnès Martial (Centre Norbert Elias/CNRS).  Formation doctorale "Sciences sociales Marseille" de l'EHESS.

 

 

Qu'avez-vous étudié avant la préparation à votre doctorat ?

 

                Après deux années de classe préparatoire A/L (Hypokâgne / Khâgne) à Paris, je suis entré au CELSA Paris-Sorbonne. J’y ai eu l’opportunité d’étudier un semestre à l’Université de Montréal, ou j’ai commencé à m’intéresser aux sciences sociales. J’ai ensuite intégré le master Études de genre de l’EHESS.

 

Pourriez-vous nous raconter votre projet de thèse ?

 

                En anthropologie de la parenté, mon projet de thèse porte sur les familles à l’épreuve de l’inceste entre mineurs. L’enquête se fonde sur l’observation des trajectoires institutionnelles de jeunes auteurs de violences incestueuses, et sur la description des reconfigurations des liens familiaux que ces parcours induisent. Ma recherche articule ainsi l’étude du travail social sur l’inceste, et l’étude de l’inceste comme évènement biographique entre personnes apparentées.

                Le cœur de l’enquête réside dans le fait de rendre compte des mutations des pratiques de parenté, initiées par la révélation, puis la prise en charge, de l’inceste. Il s’agira d’observer les effets de la parole : que se passe t-il lorsque les membres d’une famille sont contraints, institutionnellement, de faire face à l’inceste, de le « dire », de « faire avec », sans attendre qu’une dizaine d’années ne se soit écoulée après les faits ? Qu’est-ce que cela permet de saisir de l’articulation des rapports de genre et d’âge entre enfants de la fratrie et entre collatéraux, et des normes sociales produites et transmises au sein de la famille ?

                Le questionnement sur les définitions de l’inceste et de la parenté conduit à s’interroger sur celles de l’enfance et des sexualités. L’existence des adolescents incesteurs révèle des contradictions entre les représentations de « l’innocence sexuelle » des enfants et leurs capacités à exercer des violences. Une approche biographique des trajectoires, institutionnelles mais aussi intimes, de ces mineurs, interrogera ces contradictions pour mieux comprendre l’émergence des violences incestueuses.

 

Pourquoi faire de la recherche et qu'est ce qui vous anime ?

 

                En anthropologie, l’inceste est étudié en tant que pratique transgressive depuis seulement une quinzaine d’années. Longtemps perçu comme fait minoritaire et monstrueux, il est maintenant bien connu comme ensemble de violences sexuelles, et comme phénomène de société de large ampleur. Travailler sur les violences incestueuses commises par des mineurs répond à des enjeux de société, de judiciarisation et de santé publique très contemporains. 

                Personnellement entouré de membres d’associations de défense des droits, de psychologues et de travailleurs sociaux spécialisés dans l’enfance, mes premiers échanges sur le sujet ont été marqués par la banalité des faits incestueux, et par leur enchevêtrement dans un ensemble de violences intra et extra-familiales, dans lesquelles ils se diluent parfois.

                Concevoir l’angle des mineurs auteurs d’inceste m’a demandé de creuser la question auprès de mes proches, en récoltant leurs témoignages et les histoires des autres, jusqu’à obtenir un maillage dense de récits d’enfants d’origines multiples, violés ou agressés par leurs frères, leurs cousins, des adolescents de leur famille. Des témoignages où la violence incestueuse semble isolée, anomalie unique et silencieuse dans l’apparent équilibre familial. 

                Ce projet de recherche est né de la conscience du contraste entre l’abondance des récits et l’invisibilité du phénomène social. Ce qui m’anime est de participer à dissiper ce contraste, en cherchant des éléments de compréhension.


J'aime
1009 vues Visites
Partager sur
  • sciences sociales
  • Marseille
Retours aux actualités

Commentaires0

Vous n'avez pas les droits pour lire ou ajouter un commentaire.

Articles suggérés

Et après ?

Entretien avec Adélie Pojzman-Pontay, journaliste-documentariste, spécialisée dans les podcasts narratifs

AR

Audrey Rouy

08 novembre

Raconte-moi ta thèse

Raconte-moi ta thèse #14 | L'identité des jeunes et leurs expériences en Europe par Alessandra Polidori

AR

Audrey Rouy

02 novembre

2

Et après ?

Entretien avec Falma Fshazi, enseignante-chercheuse à l’École polytechnique de Zurich

AR

Audrey Rouy

12 juillet