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Entretien avec Falma Fshazi, enseignante-chercheuse à l’École polytechnique de Zurich

Et après ?

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12/07/2022

Falma Fshazi est enseignante-chercheuse à l’École polytechnique de Zurich, dans le département d’architecture. Elle est titulaire d’un doctorat en Histoire et civilisations obtenu en 2021 à l’EHESS. Aujourd’hui, elle nous raconte son parcours et son intérêt pour l’espace urbain.


Pourquoi avez-vous choisi l’EHESS ?

Merci pour cet entretien. C’est une belle occasion pour réfléchir à mon parcours à l’EHESS, qui a marqué ma formation professionnelle et auquel je reste encore très attachée dix ans après avoir soutenu mon doctorat. Au tout début de ce parcours, en 2008, j’ai choisi l’EHESS car y enseignait, et y enseigne toujours, l’historienne Nathalie Clayer, avec laquelle je souhaitais travailler après avoir pris connaissance de ses remarquables recherches sur les Balkans et en particulier sur l’Albanie. En 2008, les travaux de bon niveau scientifique sur la région de l’Europe du Sud-Est étaient beaucoup plus rares qu’aujourd’hui. Je voulais être sûre de la qualité scientifique et professionnelle, au sens académique et intellectuel, de mon travail.  Cette garantie à la fois de la qualité de la recherche et de la richesse du milieu de la recherche, je la voyais à l’EHESS, et je l’ai trouvée plus grande que je ne l’avais imaginé. J’ai de plus rencontré des chercheurs engagés. Tous ces atouts m’ont profondément marquée. 


Qu’avez-vous étudié à l’EHESS ?

J’ai fait un doctorat en histoire et civilisations. Donc plutôt l’histoire. Or je venais d’un parcours mixte de sciences sociales et l’EHESS a renforcé cet aspect d’interdisciplinarité. Je pourrais dire que c’est à l’EHESS que j’ai vécu ce que Marc Augé dit des sciences sociales, à savoir qu’il faut les considérer comme un ensemble. Néanmoins, pour être plus précise, j’ai étudié l’histoire sociale du XXe siècle en Europe et très précisément la période passionnante et malheureuse de l’entre-deux-guerres en Europe de Sud-Est. J’étais venue à l’EHESS avec un bagage, que je crois assez solide, de science politique, d’anthropologie et d’histoire culturelle. À l’EHESS, j’ai avancé dans la recherche des aspects sociaux des mouvements de jeunesse et de la citoyenneté, en tant que engagement dans l’espace urbain. J’ai travaillé en étroite collaboration avec Nathalie Clayer – nous coopérons encore d’ailleurs – et c’est quelqu’un qui a refaçonné ma façon de penser et de faire de la recherche. La pensée critique ainsi que la qualité de la recherche auxquelles elle et l’ensemble des autres chercheurs autour de  laboratoire CETOBaC de cette période (comme Marc Aymes, Xavier Bougarel, Alexandre Popoviç, Bernard Lory, Hamit Bozarslan, Nicolas Vatin, Élise Massicard, et Nadège Ragaru) m’ont habituée ont contribué à ma formation intellectuelle et professionnelle, et je mets ces acquis à profit chaque fois que je m’engage dans des projets de recherche ou hors du monde universitaire. 


Que vous a apporté l’EHESS dans votre vie professionnelle ?

Dans la vie professionnelle, l’EHESS m’a apporté des références intellectuelles qui me sont toujours très utiles. Elle m’a permis d’intégrer un milieu de recherche en sciences sociales parmi les meilleurs du monde. L’EHESS m’a aussi donné l’occasion de faire partie d’un réseau de chercheurs, notamment les collègues doctorants de l’époque (Fabio Giomi, Emmanuel Szurek, Erdal Kaynar, Francisca Miranda et beaucoup d’autres), avec lesquels je continue à collaborer. Grâce au réseau des doctorants de l’EHESS, j’ai enseigné l’introduction en sciences sociales et, avec des doctorants d’anthropologie (comme Iris Funk et Michaela De Giacometti, notamment), nous avons développé ensemble nos cours et enseignements en introduction à l’anthropologie et à l’ethnologie. Le vivier très international, multiculturel et sans complexe vis-à-vis de « l’autre » qu’on trouve à l’EHESS offre une expérience humaine remarquable, et en même temps apporte une contribution essentielle aux sociétés contemporaines. C’est triste, mais nous vivons dans une période de résurgence du fantasme de l’autre comme menace, d’exploitation des angoisses quotidienne des gens, pour les pousser à s’enfermer dans des frontières très sélectives, reproduisant des modèles coloniaux et extractive à l’extérieur comme à l’intérieur. La contribution scientifique, intellectuelle, les perspectives sur les sociétés et de cohabitation que l’EHESS met en œuvre constituent un apport fondamental pour un futur de libre choix et de paix individuelle et collective.  


Pourriez-vous nous raconter votre métier ?

Je suis enseignante-chercheuse à l’École polytechnique de Zurich, dans le département d’architecture. C’est un poste qui m’a incitée à développer mon intérêt pour l’espace urbain. Tout au début, mon travail portait sur l’action citoyenne à travers ses manifestations dans l’espace urbain. Depuis quelques années, je m’intéresse aussi à l’apparition du bâti, dans l’espace urbain. En effet, je pense que les deux sont liées. Elles peuvent être étudiées séparément afin de garantir la cohérence de la recherche. Néanmoins, je m’intéresse à leur intersection, ce qui se joue entre le bâti et les actions qui le produisent, le contraignent, le détournent, s’y opposent. Mon terrain de recherche reste l’Europe de Sud-Est. Jusqu’ici, par rapport à mon doctorat, j’ai avancé dans le temps. J’ai étudié la période de l’après-Seconde Guerre mondiale et aussi la période contemporaine. Des nouveaux projets m’amènent cette fois-ci à me focaliser sur le XIXe siècle. Cela représente une approche un peu différente : j’observe les espaces de croisement du privé et du public dans certaines villes des Balkans qui étaient des centres impériaux importants et sont devenues des localités subordonnées aux nouvelles capitales nationales. Juste après mon doctorat, je suis partie dans l’administration publique. J’ai été directrice de la communication et de la recherche dans le cabinet du Premier ministre en Albanie, puis directrice générale d’un centre de culture et d’art contemporain. Ce centre est l’aboutissement d’un projet d’ouverture des archives du Bureau du Première Ministre et de création d’une bibliothèque accessible au public, projet que j’avais piloté. Ce rapprochement professionnel entre les sciences sociales, l’expérience institutionnelle et l’art contemporain, je le poursuis en tant que commissaire d’exposition. D’ailleurs, le sujet de mon travail de recherche et l’intérêt pour l’art contemporain se concilient car je m’intéresse à la critique de la transformation actuelle de l’espace urbain par des œuvres d’art contemporain. La prochaine exposition dont je suis co-commissaire aura lieu à Paris et débutera le 15 septembre 2022 à la Goutte-d ’Or. 


Auriez-vous rencontré une personne inspirante pour vous lors de votre parcours à l’EHESS ?

Oui ! J’ai été et je reste très inspirée par l’anthropologue Catherine Neveu et l’historienne Anne-Marie Thiesse. Deux chercheuses très méticuleuses, chacune exceptionnelle dans son domaine. De par leurs sujets et la façon dont elles les abordent, je les considère comme des femmes engagées, porteuses d’une éloquence intellectuelle que j’admire. Ma recherche sur la ville ainsi qu’une partie de mon travail institutionnel ont été inspirées par ces deux chercheuses. 


© TAMINOTSANI

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