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« Le message de l'Aquarius - le scandale humain de la politique frontalière en Méditerranée et la nécessité d'une action citoyenne et européenne »

Vie de l'association

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25/02/2019

Cher·e·s alumni,


en complément de l'intervention de Klaus Vogel, cofondateur de SOS MÉDITERRANÉE et premier coordinateur des sauvetages sur l'Aquarius, lors de notre événement de lancement "S'engager avec les sciences sociales" du 5 décembre dernier, EHESS Alumni a le plaisir de partager avec vous le texte issu de sa communication (traduction par nos soins).


Quelle relation y a-t-il entre un navire de sauvetage en Méditerranée et l'étude des sciences sociales ici à l'EHESS ? « S'engager avec les Sciences Sociales » – qu'est-ce que cela signifie et comment cela fonctionne-t-il ? Au fur et à mesure que nos vies se complexifient et se diversifient, de nombreux ponts se construisent entre nos besoins et intérêts personnels et les possibilités d'action sociale et politique. Notre cheminement dépend de notre famille, de nos expériences et de la façon dont nous menons notre vie. En tant qu'étudiant·e en sciences sociales, nous apprenons à nous exprimer et à mieux comprendre le monde qui nous entoure. Nous en apprenons plus sur nos valeurs les plus profondes – de la liberté, l'égalité et la fraternité de 1789 à la liberté, au respect, à la justice et à la solidarité d’aujourd'hui. Nous en apprenons aussi sur d'autres personnes et sur le monde. Cela nous donne de la clarté, de la force et de l’empathie, et nous relie les uns les autres – tant dans notre vie personnelle, qui reste fondamentale, que dans tout engagement social ou politique.

En tant que capitaine de navire et historien, cela a été la situation scandaleuse dans la mer Méditerranée et l'inaction des gouvernements européens après l'arrêt de l'opération de sauvetage italienne Mare Nostrum en novembre 2014 qui m'a motivé. Ne pas secourir les personnes en détresse était et est inacceptable pour moi. Le simple fait d'aller dans la rue n'aurait rien changé. L'idée de SOS MÉDITERRANÉE en tant qu'organisation européenne de sauvetage pour la mer Méditerranée issue de la société civile en était une conséquence logique. Dans les premiers mois de 2015, le projet d'affréter un navire de sauvetage est devenu le geste créatif et audacieux d'un petit groupe de citoyens européens. Avec des ami·e·s en France, en Italie et au-delà et l’important soutien de nombreux civils engagé·e·s, la charte de l’Aquarius est devenue réalité. Depuis février 2016, avec nos équipes en mer et sur terre et avec le soutien de Médecins du Monde, puis à partir de mai 2016, de celui de Médecins sans Frontières, nous avons pu sauver plus de 29 000 personnes. D’une nécessité politique et morale, l’Aquarius est devenu un acteur symbolique. Si les politiques et les politicien·ne·s échouent, c’est à la société civile d’inventer les voies vers un avenir meilleur.

Malheureusement et jusqu'à présent, les gouvernements européens n'ont pas tiré de leçons de l'expérience de l’Aquarius et de l'engagement de la société civile en Méditerranée.

Au contraire même pour certains d'entre eux. Les gouvernements dirigent des États-nations – et c'est le nationalisme implicite et l'idée même de « l'État-nation » qui créent la réalité et la rigidité des frontières. Avec l'idée d'un « contrôle total » à leurs frontières, même les États démocratiques peuvent devenir durs, brutaux et totalitaires. Ce que nous voyons en Méditerranée, c'est un contrôle des frontières de type militaire et un scandale humain en cours, montrant la « banalité du mal » (Hannah Arendt). Nous constatons une violation continue des droits d'êtres humains en détresse et une criminalisation illégale de l'engagement de la société civile. Les gouvernements européens ne veulent pas et semblent incapables de définir une politique des migrations humaines. Il est évident qu'il est nécessaire de penser et d’organiser les migrations autrement. Peut-être que l’idée-même d'une gestion « humaine » des frontières est une contradiction en soi. Le droit à la gestion des frontières ne peut être laissé aux seuls États-nations. Nous ne pouvons accepter de continuer à bloquer et déporter des personnes vers des situations de non-protection. Ce dont nous avons besoin, c'est de connecter les gens, les villes et les régions et de garantir les droits fondamentaux de la personne à nos frontières et au-delà. Combattre le totalitarisme, le racisme et l'empathie sélective signifie s'engager en faveur d'une démocratie européenne fondée sur la solidarité et les valeurs universelles. D’un côté comme de l’autre de nos frontières, la société civile européenne a un rôle important à jouer. Il est bon de savoir qu'en tant qu'étudiant·e·s et enseignant·e·s en sciences sociales, vous partagez nos valeurs et notre engagement.


Klaus Vogel, EHESS Paris, 5 décembre 2018


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