Entretien avec Adélie Pojzman-Pontay, journaliste-documentariste, spécialisée dans les podcasts narratifs

Journaliste-documentariste, Adélie Pojzman-Pontay est spécialisée dans les podcasts narratifs. Titulaire d'un Master en Études politiques à l'EHESS, elle revient sur son parcours, son apprentissage de la méthodologie acquise au sein de l'École, et nous raconte son métier et ses différents projets de podcasts.

Pourquoi avez-vous choisi l’EHESS ?

J'ai d'abord fait trois ans de prépa littéraire. De ces trois années, j'ai gardé le plaisir de creuser plusieurs disciplines en parallèle, de comprendre comment elles pouvaient s'enrichir mutuellement. J'ai ensuite choisi un master de "lettres et arts" à Paris 7 - Diderot, qui conservait cette approche pluridisciplinaire. Mais à l'issue de cette première année de master, je sentais que ce champ d'études ne correspondait plus à mes intérêts et aspirations professionnelles. J'ai donc choisi de bifurquer les sciences politiques, mais j'avais à cœur de garder l'interdisciplinarité au centre de mon apprentissage et de ma pratique de recherche, ce qui m'a conduit tout naturellement vers l'EHESS. 

Qu'avez-vous étudié à l'EHESS ?

J'ai intégré le master Études politiques de l'école. À l'époque, je commençais à envisager une carrière de journaliste. J'avais donc envie de partir de ma thématique de recherche en master de lettres pour m'intéresser au monde des médias. Mon précédent mémoire m'avait amené à considérer comment le naissance d'Israël avait fait apparaître de nouvelles problématiques dans les communautés juives à travers le monde, par définition diasporiques. Je me suis donc demandé quels rapports entretenaient Israël, un état-nation, et les diasporas juives –la communauté américaine en particulier. Quelles problématiques traversaient ces relations ? Comment ces deux pôles historiques et politiques de la vie juive communiquaient-ils ? Je me suis ainsi plongée dans 10 ans d'archives journalistiques, dans deux journaux israéliens publiés en anglais, Haaretz et The Jerusalem Post, chambres d'échos de ces questionnements.

Que vous a apporté l’EHESS dans votre vie professionnelle ?

L'EHESS m'a d'abord apporté une ouverture vers les sciences sociales qui manquaient cruellement à mon parcours intellectuel. Grâce à ce deuxième master et ce deuxième mémoire, j'ai pu également affiner mes compétences de recherche et ma méthodologie. Ces connaissances et cette méthodologie sont absolument primordiales dans ma pratique du journalisme. J'ai enfin acquis une bonne connaissance du monde universitaire, ce qui m'aide à me repérer lorsque je part à la recherche de sources expertes.

Pourriez-vous nous raconter votre métier ?

Je suis aujourd'hui spécialisée dans les podcasts narratifs et sérialisés. Ce sont des enquêtes radiophoniques au long court, qui prennent souvent plusieurs semaines d'élaboration, voire plusieurs années, et qui sont ensuite publiées sous forme d'épisodes successifs (un format inauguré par Serial, aux Etats-Unis, en 2014). Ce sont finalement de mini-travaux de recherches et je me sers de la méthodologie apprise et éprouvée à l'EHESS pour mon mémoire dans mon travail. Enquête, thématiques de société, et narration, ma vie professionnelle me permet finalement de combiner mes études littéraires et mon parcours à l'EHESS.

Mon dernier projet en date est une enquête sur l'histoire française de la lutte pour les réparations de l'esclavage. Il s'agit d'un podcast en 7 épisodes. Avec ma co-autrice Iris Ouedraogo, nous nous sommes plongées dans le premier procès civil qualifié d'historique par le ministère de la Justice, celui qui opposait le Mouvement International pour les Réparations à l'État français, à la Cour d'Appel de Fort-de-France les 11 et 12 octobre 2021. À travers ce procès inédit, où des citoyens français, descendants de personnes esclavisées, demandaient 200 millions d'euros à l'État, nous avons remonté le fil de l'histoire française de ces revendications et des questions qu'elles posent à notre société. Vous pouvez écouter la série ici : https://lnk.to/lhistoire

Je viens juste de déménager à Londres pour rejoindre l'équipe de podcasts du Daily Telegraph. Là bas, je serai en charge de produire leurs podcasts narratifs d'enquête. 

Auriez-vous rencontré une personne inspirante pour vous lors de votre parcours à l’EHESS ?

Lorsque j'étudiais à l'EHESS, deux séminaires de recherche m'ont particulièrement marqués : celui de la sociologue Danièle Hervieu-Léger, "Introduction à la sociologie des religions" et un séminaire de recherche animé par Natalia Muchnik sur les diasporas dans la ville aux 16e et 18e siècle. Ces cours m'ont beaucoup servis lorsque j'ai ensuite déménagé à Jérusalem, où je travaillais comme journaliste. Ils m'ont permis d'appréhender cette ville et cette région avec un corpus intellectuel en tête, et avec beaucoup plus de sensibilité que je ne l'aurais fait sans. Une fois en école de journalisme, j'ai choisi de me spécialiser en radio et journalisme des religions –même si cette dernière spécialité ne s'est finalement pas trop retrouvée dans la suite de ma carrière !